
L’avis du Conseil d’État sur le projet d’autonomie de la Corse : éclairages et enjeux ?
Publié le :
30/07/2025
30
juillet
juil.
07
2025
Le 17 juillet 2025, le Conseil d’État a rendu un avis déterminant sur le projet de loi constitutionnelle visant à doter la Corse d’un régime d’autonomie inédit, tout en l’inscrivant pleinement dans la République.
Saisi par le Gouvernement à la suite de longues négociations avec la représentation politique corse, le Conseil a examiné le texte sous tous ses aspects constitutionnels, juridiques et pratiques.
Le Gouvernement vient d’autoriser que cet avis soit rendu publique, étant rappelé que les avis rendus par le Conseil d’Etat ne peuvent diffusées que sur autorisation du Gouvernement qui les sollicite.
Nous mentionnons ci-dessous le principales observations du Conseil d’Etat sur le projet de loi constitutionnelle pour une Corse autonome au sein de la République.
Préalablement, nous tenons à indiquer que le contrôle qu’effectue le Conseil d’Etat sur un projet de loi constitutionnel est limité.
En effet, dans la mesure où la Constitution est la norme suprême, il ne vérifie pas la conformité du projet de révision à un texte supérieur, contrairement à ce qu’il fait pour les lois ordinaires ou décrets.
Dans le cadre de ce contrôle, il limite son examen à une double analyse.
D’une part, elle porte sur la cohérence avec les principes républicains : il vérifie aussi si le projet est conforme aux principes fondamentaux de la République, au Préambule (incluant la Déclaration des droits de l’homme) et aux trois premiers articles de la Constitution, et s’il respecte l’esprit et l’équilibre des institutions ainsi que les traditions républicaines.
D’autre part, elle a trait au respect des engagements internationaux de la France : il doit signaler au Gouvernement si le projet est susceptible de placer la France en contradiction avec ses engagements internationaux.
Le projet constitutionnel présenté est novateur dans la mesure où il vise à insérer un article 72-5 dans la Constitution, conférant à la Corse un « statut d’autonomie au sein de la République » fondé sur ses caractéristiques propres : insularité méditerranéenne, relief montagneux et spécificités historiques, linguistiques, culturelles et sociales de ses habitants.
Ce régime permet à la Collectivité de Corse d'adapter les lois et règlements à ses particularités propres, voire de fixer elle-même des normes dans certains domaines, selon les conditions fixées par une loi organique.
En l’espèce, le Conseil d’État valide l'esprit général du texte et confirme que l’autonomie octroyée à la collectivité de Corse est compatible tant avec les principes fondamentaux que les engagements internationaux de la France.
Les autres principales observations formulées par la Haute Juridiction administrative portent sur les points suivants :
Sur la reconnaissance des spécificités corses, le Conseil d’État recommande au Gouvernement de fonder les adaptations normatives non sur le « statut » mais sur les « spécificités » de la Corse, ce qui permet de justifier juridiquement toute différence de traitement par rapport au droit commun.
Sur l’autonomie normative encadrée, le Juge du Palais Royal propose d’affiner la rédaction pour clarifier que la Corse pourra être habilitée à adopter des normes dans des « matières déterminées » et sous réserve de limites substantielles : aucun pouvoir normatif ne pourra porter sur les matières régaliennes (nationalité, libertés publiques, organisation de la justice, ordre public, monnaie, politique extérieure, etc.), ni porter atteinte aux libertés publiques et droits fondamentaux.
Concernant le contrôle juridictionnel, il propose de soumettre l’ensemble des actes normatifs de la collectivité de Corse à son seul contrôle, contrairement au régime applicable à la Nouvelle-Calédonie (qui n’est pas considérée comme une collectivité territoriale) où certains actes peuvent relever du Conseil constitutionnel. Le Conseil d’Etat estime sur ce point que tant que la collectivité de Corse reste dans le champ des collectivités du titre XII de la Constitution dénommé Des Collectivités territoriales, le juge administratif doit demeurer l’arbitre unique de la légalité des actes, conformément aux principes républicains et à la tradition administrative française. Ce dispositif permet ainsi pour le Juge du Palais-Royal d’assurer la cohérence de l’ordre juridique national, de garantir que l’autonomie normative de la Corse se déploie dans un cadre sécurisé, et d’éviter tout mécanisme dérogatoire susceptible de porter atteinte à l’équilibre institutionnel général.
Il est indiqué que le projet prévoit la possibilité d’une consultation des électeurs inscrits en Corse sur toute réforme du régime d’autonomie, en amont de l’adoption par le Parlement.
La Corse se verra offrir la possibilité de démontrer la pertinence d’une autonomie renforcée, mais dans un cadre institutionnel soigneusement balisé.
Il convient de préciser que le Premier ministre a indiqué que ce projet de loi constitutionnelle irait au Parlement sans tenir compte des recommandations ci-dessus formulées par le Conseil d'Etat.
Cet avis du Conseil d’État, tout en s’inscrivant dans la continuité de la tradition décentralisatrice française, marque néanmoins un pas important pour la reconnaissance de la diversité territoriale au sein de la République, en assurant un équilibre entre innovation institutionnelle et respect des fondements constitutionnels.
Patrick Lingibé
Historique
-
L’avis du Conseil d’État sur le projet d’autonomie de la Corse : éclairages et enjeux ?
Publié le : 30/07/2025 30 juillet juil. 07 2025ActualitésBase documentaireFlux FrancetvinfoLe 17 juillet 2025, le Conseil d’État a rendu un avis déterminant sur le proj...
-
Vers une évolution statutaire de la Guyane : analyse rapide du relevé de décisions du 30 juillet 2025 ?
Publié le : 30/07/2025 30 juillet juil. 07 2025ActualitésBase documentaireFlux FrancetvinfoLe 30 juillet 2025, le ministère des Outre-mer à Paris a accueilli une réunio...
-
Document d’orientations sur l’évolution institutionnelle de la Guyane Juin 2024
Publié le : 30/07/2025 30 juillet juil. 07 2025ActualitésBase documentaireFlux FrancetvinfoLe document d’orientations adopté par le Congrès des élus de Guyane et l’asse...
-
Rapport de la Cour des comptes sur la forêt guyanaise Mars 2025
Publié le : 22/07/2025 22 juillet juil. 07 2025ActualitésBase documentaireFlux FrancetvinfoLa Cour des comptes a adopté le 12 mars 2025 un rapport intitulé « La forêt g...